Géraldine Guillemot a démarré sa carrière dans le marketing opérationnel, la communication et le développement de produits. Par la suite, elle s’est plongée, durant une douzaine d’années, dans le monde du retail où elle a occupé le poste de Directrice Internationale du concept, de l’assortiment produit et de l’identité visuelle de magasins pour la marque Yves Rocher.
Elle a ensuite souhaité évoluer vers une fonction plus globale au sein de l’entreprise. Ce qui l’a conduit à la fonction de RSE. Depuis 4 ans maintenant, Géraldine travaille sur des sujets liés à l’impact et à la performance RSE, au pilotage des initiatives RSE ainsi qu’à la sensibilisation, à la formation et à l’engagement des collaborateurs.
🎙️ Aujourd’hui, Géraldine nous livre ses conseils, ses bonnes pratiques et son expertise approfondie pour renforcer l’engagement collaborateur grâce à la RSE.
Pourquoi vous être orientée vers la RSE ?
Premièrement car c’était en parfaite harmonie avec ma vie personnelle. Avec un mode de vie plus sobre et plus proche de la nature.
Puis, il y a eu une transformation au sein de l’entreprise où je travaillais. La RSE s’est structurée et a pris beaucoup plus d’importance. Avec notamment, la préparation à la réglementation B Corp, qui a également entraîné l’ouverture de nouveaux postes.
C’est donc grâce à cette double conjonction – une motivation personnelle et des opportunités d’évolution au sein de l’entreprise – que j’ai pu me former et me consacrer aux fonctions RSE.
Pourquoi est-ce si important d’embarquer le terrain dans les initiatives RSE ?
Dans une entreprise possédant un réseau de magasins très développé, comme celle dans laquelle je travaillais, les vendeurs.euses sont en contact direct avec les clients. Cette population incarne les valeurs de l’entreprise et représente la marque, faisant d’eux les premiers ambassadeurs.
Il est donc essentiel que ces ambassadeurs comprennent et adhèrent au projet global de l’entreprise. Notamment aux objectifs RSE, car ils sont des parties prenantes clés. L’engagement collaborateur envers la RSE joue un rôle fondamental. Que ce soit dans l’image de l’entreprise, sa cohérence mais aussi dans le fait de réduire les risques de Greenwashing.
Comment avez-vous équilibré les attentes des communautés locales avec les objectifs de l’entreprise ?
En effet, une entreprise internationale travaille généralement avec des filiales, des succursales. L’idée est de créer des relais, des ambassadeurs dans chaque unité pour former une communauté locale. Celle-ci portera les initiatives RSE. Pour moi, cela passe par un fort sponsorship de la part du directeur de la filiale et de la direction de la centrale. Il s’agit de nommer un collaborateur volontaire avec une fiche de poste claire, définissant qu’une partie de sa mission, bien que ce ne soit pas sa tâche principale initialement, sera dédiée à la RSE.
Une fois cette structure en place et la communauté créée, il est crucial d’animer cette communauté. Une des clés de l’animation est de maintenir un équilibre 50/50 entre le top-down et le bottom-up. Cela signifie fournir des informations descendantes sur l’évolution des missions et des objectifs globaux de l’entreprise, tout en recueillant les retours locaux. Il faut écouter ce qui se passe sur le terrain, recueillir les feedbacks sur les projets spécifiques menés localement, et s’assurer que ce que l’on fait a du sens et est bien relayé.
Les objectifs RSE doivent être intégrés et adoptés par tous les collaborateurs. Il faut donc faire vivre ces objectifs au sein de chaque département. Il est essentiel d’avoir un ou plusieurs relais, selon la structure de l’entreprise. Et idéalement, ces relais doivent être complètement intégrés aux différents métiers de l’entreprise. C’est la meilleure façon de faire évoluer les pratiques.
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Avez-vous des bonnes pratiques à partager pour mobiliser les collaborateurs autour des initiatives RSE ?
Pour mobiliser les collaborateurs autour des initiatives RSE de manière durable et susciter un enthousiasme dès le départ, je conseille d’avoir un programme et un plan clair. Comme un plan éditorial sur une période définie avec des moments forts pour relancer la dynamique. Il faut célébrer les réussites et fournir des retours sur les événements et initiatives passés.
Écouter les collaborateurs est aussi essentiel. Faire des appels réguliers aux initiatives et les valoriser. Les mesures de taux d’engagement et les enquêtes internes montrent que les collaborateurs ont besoin que leur voix soit entendue. Cela signifie qu’il faut leur donner du temps et de l’espace pour s’exprimer et mener des actions locales.
Un point clé est d’intégrer la RSE dans les missions et les fiches de poste des collaborateurs. Ou au moins dans leurs objectifs annuels, tant individuels que collectifs. Et pour les managers, il faut également inclure dans leur fiche de poste la responsabilité d’animer le volet RSE dans leur service. Et ce, avec des indicateurs clairs et une évaluation en fin d’année.
Le premier porteur de cette vision doit être le CEO. Il doit donner le cap et expliquer l’importance de la RSE dans la raison d’être de l’entreprise. Cette vision doit être déclinée à tous les niveaux de l’entreprise. Et ce pour que les managers se sentent investis et porteurs de cette mission. Puis qu’ils convainquent et animent à leur tour leurs équipes. Les collaborateurs doivent voir leur contribution à la RSE comme une partie essentielle de leur rôle. Ce niveau d’engagement collaborateur amène non seulement à la réussite des initiatives RSE mais aussi à la construction d’une culture d’entreprise durable et responsable.
Pouvez-vous partager un exemple où l’engagement des collaborateurs a fait une différence significative dans un projet RSE ?
Je peux donner un exemple chez Yves Rocher, où la marque a pris le temps de définir et d’écrire son programme d’impact et de RSE. Une fois ce programme validé par les plus hautes instances de l’entreprise, il a été question de le faire connaître, de sensibiliser et de former les collaborateurs pour qu’ils s’en emparent et qu’ils se sentent parties prenantes.
Pour sortir des présentations PowerPoint et des réunions d’information traditionnelles, un jeu ludique a été créé sous forme de cartes. Les ambassadeurs RSE ont été formés à ce jeu afin qu’ils puissent le déployer au sein de leurs équipes de manière engageante. L’objectif était clair : embarquer 100 % des collaborateurs grâce à ce jeu, disponible en version physique et en ligne.
Le succès a été total. Tous les collaborateurs ont participé avec enthousiasme, et les ambassadeurs ont réussi à atteindre l’objectif de 100 % de participation. Cet engagement collectif a permis de diffuser largement et efficacement le programme RSE au sein de l’entreprise.
Comment mesurez-vous l’impact de l’engagement des collaborateurs dans les initiatives RSE ?
Comme dit précédemment, une des premières clés est d’avoir un programme clair et une politique bien définie, avec des grands objectifs et des sous-objectifs pour l’entreprise. Ensuite, chaque manager doit avoir des objectifs spécifiques, avec des indicateurs de performance clairement définis. Par exemple, le pourcentage de collaborateurs sensibilisés à un programme RSE. Une fois ces indicateurs en place, il est crucial d’avoir des porteurs de l’entreprise. Selon la structure de l’entreprise, cela peut être soit le département RSE, soit les fonctions RH. Personnellement, je crois beaucoup en la capacité des fonctions RH à garantir le suivi de ces indicateurs. Surtout en ce qui concerne l’engagement des collaborateurs.
Pour le suivi, l’entreprise peut utiliser des outils digitaux ou des plateformes d’intelligence collective comme Beeshake. Sinon, il faut intégrer ces indicateurs de performance dans les outils existants en interne.
Pour des indicateurs à plus long terme comme l’engagement des collaborateurs, il peut être utile de mettre en place un questionnaire ou un sondage régulier. Cela permet de mesurer l’évolution de ce taux d’engagement année après année. Mais pour commencer, il est efficace de se concentrer sur des projets précis. Par exemple, l’entreprise peut réaliser un questionnaire destiné à tous les collaborateurs après une prise de parole ou un événement.
Chaque entreprise a un niveau de maturité RSE différent. Même une entreprise qui commence à peine à se sensibiliser à ces sujets peut commencer par un diagnostic, ou un groupe de travail de collaborateurs volontaires, pour réfléchir aux actions à mettre en place. C’est un bon moyen d’engager les collaborateurs dès le début. La RSE couvre à la fois l’évolution des pratiques profondes de l’entreprise. Comme par exemple, l’amélioration de son système de production ou la réduction globale de ses déchets de production. Ce sont des actions à plus long terme.
Mais aussi des actions plus immédiates, comme la réduction des déchets quotidiens dans la vie de l’entreprise. Ou encore l’organisation d’événements à faible impact environnemental. Il y a de nombreuses façons de commencer à mettre en place des pratiques RSE au quotidien jusqu’à aller vers des pratiques qui vont engager de vraies réflexions extrêmes d’investissement pour limiter son impact.
Que pensez-vous de la réglementation CSRD, et notamment de la question de l’engagement des parties prenantes ?
Toutes les entreprises devraient s’y intéresser car elles seront inévitablement concernées à terme.
Pour les entreprises déjà engagées dans une forte démarche RSE, la Directive CSRD va être un accélérateur de leur transformation. Elles disposent déjà d’un département RSE en place et devront renforcer le rôle des responsables RSE ainsi que des ambassadeurs RSE. Et ce, tout en impliquant davantage le comité de direction. Dans ce cas, il s’agit principalement de renforcer la communication et de partager les bonnes pratiques déjà en cours.
En revanche, pour les entreprises qui abordent ces sujets RSE pour la première fois et découvrent la CSRD, il faut beaucoup de pédagogie. Il s’agit de dédramatiser et expliquer ce que représente la CSRD, en mettant en avant l’idée que la perfection n’est pas exigée dès le départ. Les entreprises s’engagent plutôt dans une démarche de progrès, en identifiant les domaines prioritaires à travailler progressivement. Remettre en question ses pratiques, transformer son business vers plus de durabilité, est essentiel et a du sens.
Dans ce contexte, les collaborateurs deviennent encore plus importants comme parties prenantes. Il est d’autant plus crucial de les embarquer et de les impliquer activement.
Selon vous, comment l’engagement collaborateur autour de la RSE va-t-il évoluer dans les prochaines années ?
Je vois l’évolution de l’engagement collaborateur et la RSE dans les prochaines années comme une intégration de plus en plus profonde au sein des entreprises. Mon souhait est que la RSE soit omniprésente et automatiquement intégrée dans chaque mission clé et chaque objectif de l’entreprise, voire dans sa raison d’être même. C’est la direction que nous devrions prendre pour construire un monde durable et respectueux des limites planétaires. Bien sûr, cela relève encore d’un idéalisme responsable dans lequel nous devons tous aspirer.
En attendant cette vision idéale, la RSE est déjà bien présente à travers les départements dédiés au sein des entreprises. Il est essentiel de la placer au plus haut niveau de l’entreprise pour assurer son intégration et son impact maximal.
Le mot de la fin
En attendant ce monde idéal et pour revenir à une approche plus réaliste, je conseillerais à un chef d’entreprise de placer la RSE au cœur de la stratégie. Et ce, en l’intégrant dans les objectifs annuels. Il faut déployer ces objectifs RSE à chaque niveau de management, afin qu’ils soient compris et mis en œuvre par tous les collaborateurs.
Il est aussi très important de donner aux collaborateurs le pouvoir d’influencer et de faire évoluer cette démarche. Car ce sont eux qui maîtrisent leur métier et sont les premiers à pouvoir réfléchir à l’amélioration de leurs pratiques. En les embarquant en tant que parties prenantes clés, les entreprises renforcent l’engagement collaborateur et maximisent l’impact de la RSE au sein de l’entreprise.
Vous souhaitez, vous aussi, renforcer l’engagement collaborateur grâce à la RSE ?