L’Innovation Participative en entreprise – Les entreprises réalisent de plus en plus l’importance de travailler ensemble pour innover. L’idée que l’innovation n’est plus restreinte à un département ou une poignée d’individus mais peut émerger de la collaboration de tous, gagne du terrain. Ce changement s’accompagne d’une prise de conscience : l’innovation prend une forme collective et la clé du succès réside dans la collaboration étendue, en partant du terrain et du travail réel mais aussi en favorisant la créativité et la diversité.

Emmanuel Le Bouille est le président de l’association d’Innov’acteurs (dont Beeshake est membre). Il est également dirigeant indépendant de l’agence audendi qui accompagne, sur les démarches d’Innovation, de Transformation des Organisations. Mais aussi de pilotage du Facteur Humain pour accompagner les bascules de comportements en contexte de changement

Il revient, dans cette interview, sur l’Innovation Participative en entreprise, une affaire de tous.

Selon vous, pourquoi faut-il faire de l’Innovation Participative en entreprise ? 

L’innovation participative est à mon sens une modernité intemporelle. Elle génère de la valeur pour l’entreprise. Mais aussi pour les personnes concernées par le dispositif, donc pour l’ensemble des collaborateurs.

Si l’on considère l’Innovation Participative comme une démarche collaborative mobilisant la force collective dans le but de créer une nouvelle valeur pour l’entreprise, alors sa mise en place est non seulement justifiée mais aussi bénéfique. Et par force collective, j’entends la mobilisation des intelligences des collaborateurs, l’activation de leur motivation, l’utilisation des expertises internes, et l’exploration d’idées nouvelles pour créer une valeur parfois disruptive. En résumé, si l’Innovation Participative peut ouvrir ces perspectives, elle devient indéniablement un atout précieux pour les entreprises. Tout en restant vigilant sur la nécessaire relation entre innovation et progrès.

L’innovation participative, est-ce pour toutes les entreprises ?

Absolument, en théorie. Cependant, la manière dont cela sera concrètement mis en œuvre peut varier d’une entreprise à l’autre. Et ce, en raison du contexte spécifique, de la culture de l’entreprise, du secteur dans lequel elle opère et des intentions de ses dirigeants. De nombreux facteurs influenceront la mise en place de l’Innovation Participative.

Ainsi, cette approche s’adapte individuellement à chaque entreprise, à son écosystème et à sa culture particulière.

Quels sont les principaux défis auxquels l’innovation participative fait face aujourd’hui ? 

Outre les défis inhérents à l’innovation elle-même, l’un des principaux défis réside dans la collaboration en entreprise. Il s’agit de travailler de manière véritablement transversale et d’impliquer toutes les parties prenantes. Que le sujet abordé soit d’ordre technique, managérial, environnemental ou lié à la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

C’est parfois contre intuitif par rapport à des logiques plus ou moins verticales qui existent et qui sont héritées des codes du management du 20ème siècle.

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Quels sont, selon vous, les prochains enjeux de l’innovation participative en entreprise ?

C’est sans doute de prendre le sujet et de lui donner de multiples façons de vivre. Ce n’est pas qu’une question d’outils. Bien sûr, l’entreprise peut s’armer d’une plateforme d’intelligence collective, qui va être facilitante. Mais l’un des défis majeurs réside dans la définition précise de ce que l’on souhaite accomplir, reflétant l’intention posée par les dirigeants. Donc c’est un défi d’alignement sur cette intention. Et cela passe principalement par une qualité de questionnement et d’écoute envers les différentes parties prenantes mais aussi entre les dirigeants eux-mêmes. Il faut trouver la réponse adaptée en fonction du niveau de maturité et du contexte spécifique de l’entreprise. Il ne s’agit pas de simplement copier des approches qui ont réussi ailleurs.

Certaines entreprises vont plutôt privilégier des processus d’innovation et d’émergence d’idées. D’autres encore mettent en mouvement les collaborateurs à travers les démarches de vision remontante. D’autres encore via les principes de l’effectuation collective.

En fin de compte, le défi futur consiste à adapter un dispositif à la réalité et aux besoins spécifiques de l’entreprise. Surtout, en évitant le simple copier-coller. Et in-fine, ce sont toujours les collaborateurs qui sont au cœur du dispositif, et non les outils ou la communication institutionnelle. Il faut privilégier l’authenticité et le lien avec le travail réel sur le terrain.

Comment Innov’acteurs va se positionner pour surfer sur les nouvelles tendances ? 

Le futur de l’Innovation Participative réside dans la nécessité de ne pas tout englober sous ce terme « IP » car il n’est pas toujours compris de manière uniforme. Ou en tout cas, pas assez en profondeur, étant donné la diversité des interprétation ou traductions possibles liées aux notions « d’innovation » et de « participatif ».

Chez Innov’acteurs, nous avons fait le choix d’utiliser un vocable qui nous paraît plus accessible, plus ouvert, moins technique. Plutôt que de coller « l’étiquette « Innovation Participative », nous parlons plutôt d’actions et d’innovations en collectif. C’est d’ailleurs traduit dans notre raison d’être, qui fait bel et bien toujours référence à la dimension participative : « Agir collectivement pour une innovation désirable ».

Un deuxième aspect crucial est de donner du sens à l’innovation. Innover sans intention de progrès, sans création de valeur ciblée, sans réponse à l’enjeu de développement durable etc… semble une aventure risquée.

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Votre conseil à une entreprise qui se lance dans l’innovation participative ?

Je m’autorise trois conseils.

Le premier conseil est d’écouter et d’impliquer l’ensemble de ses collaborateurs ainsi que toutes les parties prenantes dans le processus. De le faire vraiment !

Ensuite, le deuxième conseil consiste à se faire accompagner par des entreprises et des experts qui possèdent une vision étendue et une expérience approfondie dans la gestion des initiatives d’innovation participative.

Enfin, le troisième conseil est de rejoindre Innov’acteurs pour pouvoir se nourrir de la richesse de l’écosystème et des échanges entre pairs.

Quels sont les principaux messages clés qui ont émergé de votre dernier Carrefour sur l’Innovation Participative ? 

Le premier message clé a été la puissance du collectif, qui était d’ailleurs le thème du Carrefour. Là encore, nous faisons le lien avec ce qui a été dit précédemment, à savoir rendre le terme « Innovation Participative » plus accessible. Et ce, en insistant sur la puissance du collectif avec tout ce que cela implique.

L'innovation participative en entreprise : Carrefour Innovacteurs

Le deuxième message clé a été de parler d’innovation désirable. Pour expliquer plus en détails, une question centrale lors du dernier Carrefour était inspirée du libre de Franck Aggeri : « L’innovation, pourquoi faire ? ». Cette question est cruciale, surtout dans le contexte marqué par de réels enjeux autour de l’environnement et l’anthropocène, des nouveaux modèles d’affaires et de visée régénérative, de changements de paradigmes au travail, etc… Il est donc essentiel de se demander si l’innovation participative constitue un véritable progrès, et pour qui ? A court terme, et à long terme.

Chez Innov’acteurs, nous n’avons pas nécessairement une approche techno solutionniste. Oui la technologie est évidemment un levier de l’innovation, mais ce n’est pas une fin en soi. Techno ou pas, l’innovation doit être utile au plus grand nombre, en lien avec les enjeux d’aujourd’hui et au service du progrès.

Quels éléments ont conduit les entreprises à prendre conscience de l’importance de l’innovation participative ?

Quelle que soit la thématique abordée, c’est avant tout une question humaine. C’est un fait, nous ne consacrons pas suffisamment de temps à expliquer, à donner du sens et à favoriser l’appropriation par le collectif, les équipes et les individus des sujets liés à la transformation, à la transition, etc. Oui, cela implique une certaine complexité, mais c’est avant tout une affaire d’Homme. Si un sujet mérite véritablement que l’on prenne du temps, c’est bien celui de l’Humain. Lorsque l’on néglige l’importance de la dimension humaine, le collectif n’est qu’un ensemble de parties prenantes.

Pourtant, il y a une réelle logique de pivot entre les hard skills et les soft skills. La collaboration, la communication, l’esprit critique, la créativité sont des compétences comportementales et sociales essentielles pour relever les défis du 21e siècle. Elles font partie intégrante du dispositif de compétences propre à l’innovation collaborative.

Selon vous, est-ce compliqué d’intégrer la notion de Soft Skills dans la culture d’entreprise ?

Dans une certaine mesure, sans doute et pour diverses raisons. Nous sommes dans une logique où les KPIs sont très rationnels, axés sur des considérations économiques à court terme. Il est évidemment plus difficile de fournir de manière claire et immédiate un ROI pour une démarche d’innovation collaborative. A cet égard, nous devons chausser de nouvelles lunettes.

Deuxièmement, il est nécessaire de changer le mindset. Si tout est ramené au seul angle économique, et que l’intégration du capital Humain et du capital Planète n’a pas lieu dans la démarche d’innovation, on ne parle pas d’innovation désirable ; et donc encore moins de progrès. Changer de mindset, c’est changer de paradigme. Là encore un véritable enjeu de compétences comportementales et sociales et de culture. C’est un chantier d’innovation en soi, et ça se travaille :

  • adopter une approche d’humilité sur un processus collaboratif
  • appliquer de la méthode avec des outils pour l’instruire
  • avoir une intention clarifiée d’être authentiquement engagé vers un vrai collaboratif et à toutes les strates de l’entreprise
  • raisonner selon la logique d’effectuation et de ses 5 principes clés. Favoriser les quick win et ne surtout pas projeter un dispositif théorique idéalisé à 5 ans, en réalité inopérant dans un monde complexe.

Il y a donc un véritable travail de pédagogie et je constate que les entreprises s’en remettent progressivement à cette approche.


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