RSE et intelligence collective – Aujourd’hui, les enjeux sociaux et environnementaux ne cessent de prendre de l’ampleur. L’utilisation de l’intelligence collective est alors extrêmement bénéfique lorsqu’il s’agit de traiter des sujets RSE. Elle a le potentiel de décupler l’impact positif que les entreprises aspirent à avoir sur la société.
Estelle Plateau fait partie de la société Act For Now, cabinet de conseil de sensibilisation, formation et animation d’ateliers team building autour des sujets de la RSE. Nous l’avons rencontrée lors de son intervention au sein de la maison mère de Beeshake : Cospirit Groupe, dans le cadre d’un atelier Fresque du Climat.
Aujourd’hui, elle livre son point de vue sur un combo gagnant : la RSE et l’intelligence collective.
RSE et intelligence collective : pourquoi est-il essentiel d’impliquer collectivement les collaborateurs ?
Lorsqu’on met en place une stratégie RSE , il faut impliquer toute l’entreprise dans son ensemble. Il n’est pas possible de répondre à une urgence climatique de niveau mondial dans son coin. Bien sûr, il est important de s’investir à un niveau individuel. Cela montre que l’on a compris l’enjeu qui se joue au niveau planétaire. Mais il faut aussi s’entourer du plus grand nombre pour ne pas se sentir seul et d’avoir un rôle à jouer.
Le plus grand malheur d’une personne c’est d’être convaincue mais seule.
L’objectif est d’avoir une implication d’ensemble. Et l’échelle de l’entreprise est vraiment intéressante en ce sens. C’est l’endroit où l’on passe la majorité de son temps. Il n’est pas nécessaire que la RSE soit le sujet principal dans la journée. Cependant, les petits gestes du quotidien doivent être approuvés de tous. Par exemple, le tri des déchet. Il est important que tout le monde soit aligné et comprenne les enjeux pour être rassuré. Quels sont les choix d’investissements ? Pourquoi avoir fait ces choix-là ? Pourquoi ces actions ont-elles été mises en place ? Il faut donner du sens ! Avoir conscience des choses permet de l’intégrer plus facilement et d’aligner le plus grand nombre avec la vision globale de l’entreprise.
En quoi les ateliers Fresque du Climat favorisent-t-ils l’émergence de l’intelligence collective au sein des groupes qui y participent ?
Je dirais que c’est déjà dans le design de l’atelier Fresque du Climat. Le positionnement de l’animateur.trice est important. Nous nous mettons dans une position de retrait pour laisser place à l’émergence des connaissances des participants. Notre rôle n’est pas d’apporter notre expertise ou notre savoir. Mais plutôt de laisser les participants discuter entre eux, s’exprimer, échanger autour de la table avec les autres. Nous ne nous positionnons pas dans une dynamique descendante et verticale. Mais plutôt horizontale afin que les connaissances émergent dans un premier temps. C’est avant tout de l’échange.
C’est là que RSE et intelligence collective émergent comme un combo gagnant. En encourageant la participation active de chacun, ces séances favorisent une réflexion collective sur les actions à entreprendre. En catalysant sur l’intelligence collective au sein de ces ateliers, on favorise non seulement une meilleure compréhension des problématiques liées au climat mais aussi l’émergence de solutions novatrices et éthiques. Ce qui contribue à un changement positif et pérenne au sein de la société.
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RSE et intelligence collective : face à des collaborateurs réticents, quelles sont vos astuces ?
Lorsque l’on forme de nouveaux animateurs.trices, il est vrai que c’est une question récurrente car c’est un réel point de questionnement. Comment ne pas paralyser l’atelier à cause d’une personne qui serait réticente ? Pour ma part, j’anime, la plupart du temps, des ateliers où les participants sont volontaires. Donc lorsqu’on est sur la base du volontariat, nous savons que la thématique intéresse les participants.
Cependant, si cela arrive, mon premier conseil est de proposer un enchainement logique qui est proposé où il n’y a guère de doutes à émettre quant à sa véracité. Les questions éventuelles sur la crédibilité deviennent ainsi superflues. Il faut s’appuyer sur des données scientifiques, par exemple proposées par le GIEC qui rassemble des experts du monde entier et compile des données publiées. Ce sont des milliers et des milliers de pages de données qui ont été discutées, arbitrées et compilées. Donc les données sont robustes.
Face à une personne réticente et qui n’adhère pas à la vision, il est important de s’appuyer sur les autres personnes qui ont là pour écouter, participer et être dynamique au sein de l’intervention.
Mon autre conseil est de ne surtout pas se formaliser. On ne peut pas convaincre tout le monde et ce n’est pas grave. Le but est d’avoir une majorité de personnes engagées qui pourront ensuite créer un effet de diffusion auprès des autres collaborateurs. Car en règle générale, les personnes actives lors d’actions de sensibilisation sont déjà bien plus engagée que la moyenne sur ces sujets. Il est donc intéressant d’entretenir des relations afin qu’elles deviennent des ambassadeur.drices.s RSE, et relayent les bonnes pratiques.
C’est aussi ça qui est important : capitaliser sur la bonne dynamique de ces personnes pour diffuser votre message RSE.
Pensez-vous que les collaborateurs soient les mieux placés pour proposer un plan d’action RSE à leur entreprise ?
C’est sûr, ils font partie des personnes très intéressantes à associer au plan d’action RSE. Ils ont déjà des connaissances métier que peut-être d’autres personnes plus haut placées ne pourraient pas capter. Comme dit précédemment, nous ne pourrons pas associer l’ensemble des collaborateurs, bien que nous puissions recueillir la vision globale de l’entreprise via des questionnaires ou des entretiens.
Mais au-delà des collaborateurs, nous allons cibler les parties prenantes emblématiques de l’entreprise. Par exemple, des fournisseurs, des clients, la direction, des groupes de travail RSE, etc. Nous allons réunir ces personnes lors d’ateliers et là vont émerger toutes les actions qui seraient intéressantes à mettre en place pour l’entreprise. Attention, il est important d’avoir un travail d’échange en amont avec ces parties prenantes afin de capter les besoins et ne pas mettre en place des actions qui créeraient des frustrations ou des réactions négatives.
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Quel rôle joue la transparence et la communication ouverte dans le renforcement de l’adhésion collective aux objectifs RSE ?
En RSE, il est vrai que nous avons beaucoup connu de greenwashing. Pour éviter cet écueil là et susciter l’adhésion de tout le monde, il est très important d’avoir une démarche de transparence. Par exemple, afficher un maximum les indicateurs de suivi sur la RSE de manière générale. Et ce, pour que tout le monde constate les réussites mais aussi les échecs.
Une entreprise est très connue pour avoir cette transparence-là : Patagonia. Elle a une démarche reconnue et félicitée car elle reconnait ses points de faiblesse et ses axes d’amélioration.
Donc communiquer et être transparent permet de provoquer la confiance qui est un préalable à l’adhésion et à la motivation du collectif.
Comment assurez-vous que la diversité des perspectives au sein de l’équipe soit prise en compte pour une approche plus complète et éthique ?
En général, l’objectif est d’adopter une posture de non-jugement. Chaque individu possède un contexte unique, influencé par son éducation, sa catégorie socio-professionnelle, etc. Il est essentiel de rassembler un groupe diversifié, accueillir les opinions de chacun sans préjugés, et les orienter, grâce à l’apport de connaissances, vers des objectifs communs.
Dans le cadre d’ateliers Fresque du Climat, par exemple, l’objectif commun va être la neutralité « carbone » à l’horizon 2050. C’est vers cette direction que tous les participants doivent converger et être d’accord. Au niveau de l’entreprise, l’objectif est de diffuser de manière équitable des informations, d’homogénéiser le niveau de connaissances pour éviter tout blocage dans la mise en place d’une démarche RSE.
Un exemple pertinent est la convention citoyenne pour le climat, basée sur un tirage au sort. Malgré des opinions initialement diverses, les participants convergent vers des objectifs communs. Cette dynamique de groupe, orientée dans la même direction, est source d’espoir. En sciences sociales, on évoque les « tipping points », où un groupe de 15 à 20% adhérant à une cause peut influencer la masse, atteignant finalement 80% d’adhésion collective. Cela suscite l’espoir du changement, même si le processus n’est pas toujours facile. Avec le temps, l’acceptation s’installe progressivement.
Quel conseil donneriez-vous à une entreprise qui voudrait booster l’implication de ses salariés sur des sujets RSE ?
Déjà il va falloir capitaliser sur les collaborateurs, c’est l’enjeu premier. Ensuite, il est recommandé aux entreprises de définir leur raison d’être. Celle-ci va au-delà de la simple quête de profit caractérisant traditionnellement toute entreprise. Comme le souligne la loi PACTE de 2019, il est désormais possible d’intégrer cette raison d’être dans les statuts de l’entreprise. Et ce, pour expliciter son engagement social, sociétal et environnemental au sein de la société.
Ainsi, il s’agit de donner un sens plus profond au travail, en reconnaissant que la société a des intérêts au-delà de la simple recherche de profit. Ceci représente une première étape cruciale pour mobiliser les individus. Puis, il convient d’identifier des ambassadeurs, des personnes sur lesquelles s’appuyer.
Pour ma part, je m’oppose à la segmentation de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en silos, où le secteur RSE serait distinct des secteurs marketing ou RH. La RSE doit se diffuser uniformément au sein de l’entreprise, grâce à un engagement au plus haut niveau, touchant ainsi tous les services de l’entreprise.
Conformément à l’évolution réglementaire, la CSRD, directive européenne sur le reporting des actions RSE, exige désormais des actions concrètes et des résultats, allant au-delà des simples déclarations d’intentions.
Il est crucial que toute l’entreprise s’engage dans cette démarche, depuis la direction jusqu’au personnel le plus opérationnel. Nous n’exigeons plus seulement une stratégie financière d’investissement, mais aussi une réflexion sur l’impact sociétal et environnemental de l’entreprise. Ainsi, les entreprises ont tout intérêt à intégrer et promouvoir la RSE si elles veulent perdurer et s’établir dans la durée.
RSE et intelligence collective : la méthode Beeshake