Bruno de Montalivet est un expert de l’innovation participative. Il nous livre son point de vue sur cette méthode incontournable, dans une interview enrichissante.

Bruno de Montalivet, expert de l’innovation participative

“L’innovation participative est un levier incontournable ” Le point de vue de Bruno de Montalivet, expert de l’innovation participative

Son parcours

J’ai une double expérience de direction opérationnelle et de DRH dans les business essentiellement de services BtoB et BtoC. Depuis maintenant plus de 10 ans, j’effectue également des missions de transition. Et en parallèle, je possède un cabinet de conseil RH qui offre des services d’accompagnement, de formation notamment à des managers de transition pour les accompagner dans leur présentation ou la construction de leur argumentaire face aux clients. 

Comment Bruno de Montalivet est devenu expert de l’innovation participative

En 2002, j’ai fondé avec d’autres Innov’acteurs, une association pour développer l’Innovation Participative. Pour l’histoire, j’étais à ce moment-là Directeur de Projets à la DGRH de Accor après 5 ans comme DRH du pôle économique Europe du Groupe qui représentait 4 marques : Ibis, Formule 1, Etap Hotel et Courtepaille.

Dans ce cadre-là, avec le Président de l’époque, nous avions travaillé sur les valeurs de l’entreprise. Et nous souhaitions y intégrer l’innovation. Mon cahier des charges était basé sur la concrétisation de l’innovation pour les collaborateurs. J’ai donc observé ce qu’il se passait à ce niveau-là. Et notamment dans le secteur de l’industrie car le secteur des services était assez pauvre. Je me suis également rapproché de cabinets de conseil qui avaient des clients avec des problématiques liées à l’innovation des collaborateurs, notamment le cabinet Inergie. Ce dernier a facilité le rapprochement de toutes les personnes et organisations intéressées par le partage des pratiques au sein d’une entité. Nous avons donc décidé de regrouper nos forces pour mieux développer l’Innovation Participative.

Et l’association est née de ce constat-là. Constat qui était de trouver des outils pour mieux développer cette démarche en s’appuyant sur les 6 membres de l’association. Notamment Renault, qui avait une expérience de longue date. Son Président de l’époque, Louis Schweitzer soutenait les démarches d’IP et répétait :

“Le taylorisme est une bonne chose et une moins bonne. La bonne c’est que le taylorisme a structuré l’organisation de la production, la mauvaise c’est que cela a séparé les têtes pensantes des petites mains qui produisaient. Mais l’innovation participative répare ça” !

Le développement de l’association

À partir de là, nous avons de plus en plus développé l’association car il y avait un réel besoin. Le secteur de l’industrie prenait conscience que l’amélioration continue devait être peaufinée et développée. La rédaction d’un référentiel, le développement des « idées spontanées » et des idées « provoquées » (challenges et défis permettant d’indiquer les priorités stratégiques de l’entreprise, en lançant des demandes aux collaborateurs pour qu’ils trouvent des idées sur des besoins précis) et la poursuite de la structuration et du développement de l’association.

5 questions à Bruno de Montalivet, expert de l’innovation participative

Vous dites que “la pérennité de la démarche passe par un management structurée”. En quoi le rôle du management est-il essentiel ? 

Pour moi, l’élément de réussite d’une démarche d’innovation participative est bien sûr le nombre d’idées émises, la participation, ce que cela rapporte à l’entreprise… C’est-à-dire tous les KPIs que l’on peut mettre en place. Mais c’est surtout la réussite réside dans la mesure où les managers sont partie prenante. Car ils sont les premiers relais des collaborateurs. 

Il faut convaincre les directions que l’Innovation Participative n’est pas une tâche supplémentaire pour le manager. Il s’agit plutôt d’un outil facilitant pour lui, un levier de résolution de problème et d’atteinte des objectifs. 

Le digital a beaucoup aidé à ce niveau-là. Il a permis une amélioration dans l’aspect administratif du suivi des idées émises. 

La digitalisation a nettement marqué ces dernières années. Comment a-t-elle impacté l’innovation participative ? 


Le digital a eu un impact positif sur la simplification de la démarche administrative de gestion. Nous avons pu voir combien d’idées ont été émises, quels types d’idées. Par exemple, l’aménagement des conditions de travail qui représente 30% des idées. D’ailleurs, l’Anact (Association nationale des conditions de travail) soutenait Innov’Acteurs dans ses démarches car cela avait un réel sens pour eux. Et leur soutien montre bien que l’Innovation Participative a un impact positif sur le sentiment d’appartenance et le bien-être au travail. Elle ne demande donc qu’à être développée davantage. 

Donc oui, le digital a permis d’avoir des datas, des bases de données de bonnes pratiques que l’on peut exploiter, d’avoir une réelle phase d’appropriation par l’équipe. Il est clairement utilisé comme premier apprentissage de l’Innovation participative dans la mise en place des systèmes d’information. 


Cependant, il ne faut pas confondre l’objectif et le moyen. Le digital ne doit pas être développé pour l’Innovation Participative en oubliant les vraies cibles que sont les managers et les collaborateurs. La digitalisation est un moyen intéressant pour leur donner plus de matière, leur faire gagner du temps dans la centralisation des idées. Mais ce n’est pas ce qui va les convaincre que la démarche est essentielle pour eux. Il faut donc être vigilant sur les priorités. 

En tant qu’expert de l’innovation participative, quels conseils donneriez-vous aux entreprises dans la mise en place de leur démarche ?

J’ai eu l’occasion de mettre en place et d’accompagner des entreprises lors de mes missions de transition et l’enjeu était aussi d’engager les collaborateurs
Lors de mon expérience chez Accor, j’ai pu monter un système d’Innovation Participative en intégralité, sur les cinq continents, avec des idées à gérer par milliers et dans plusieurs langues. Donc c’était un projet relativement complexe. Dans toutes les idées proposées, je sélectionnais 10 idées principales, et ces idées mises en place rapportaient des gains financiers à l’entreprise. Mais bien plus encore, il y avait la satisfaction des équipes qui était tout aussi importante voire plus. Les personnes sont plus épanouies dans leur travail lorsqu’elles ont une marge de manœuvre pour créer des choses, pour connaître d’autres
personnes. Tout ceci favorise considérablement la fierté d’appartenance. 

Même s’il n’y a pas eu d’études suffisamment importantes pour démonter ces gains de satisfaction car c’est compliqué d’obtenir des éléments de neutralisation uniquement sur cette variable-là, c’est pour moi une évidence de par mon expérience.

Lorsque l’on propose l’Innovation Participative à des cultures qui ne sont pas celle-là, les entreprises peuvent rencontrer des obstacles. Je pense notamment au secteur bancaire. A l’époque, ce que l’on demandait aux salariés de ce secteur c’était d’appliquer les règles. De ne pas sortir de leur cadre. Donc la prise d’initiative était freinée, allant totalement à l’encontre de ce qu’est l’innovation participative. À savoir que quelqu’un du terrain peut avoir de bonnes idées. Une culture de l’innovation se met donc en place par des actions pour démontrer petit à petit l’importance de l’Innovation Participative

Il faut s’appuyer sur une démarche de manager structurée. Les managers doivent solliciter les équipes terrain, leur demander leur avis et les impliquer dans la résolution d’un problème précis. Et c’est là que plusieurs idées vont émerger dans lesquelles se trouvent d’extrêmement bonnes idées. 

Quels sont les gains et les freins de l’Innovation Participative ? 

Les gains d’une démarche d’Innovation Participative sont multiples. Il y a bien sûr la performance économique qu’il est important de mesurer. Mais pas seulement. L’Innovation Participative développe un travail d’équipe, la fierté d’appartenance, la zone d’autonomie et la prise d’initiative des collaborateurs, l’amélioration du bien-être….. Cela résout également les problèmes de condition de travail terrain comme trouver des solutions pour améliorer le télétravail, des idées pour réduire le sentiment de distance avec les collègues. Car au vu de nombreux sondages, il y a un vrai désengagement vis-à-vis de l’entreprise mais aussi des collègues. L’éloignement de l’entreprise est bel et bien présent. Il faut donc mettre en place des actions concrètes qui vont compenser ce désengagement. 


Bien sûr, au-delà des gains, nous pouvons rencontrer des risques et des obstacles comme nous l’avons vu précédemment. Le manager peut voir l’Innovation Participative comme une énième tâche à gérer. Il peut ne pas prendre conscience de l’intérêt que cela va lui apporter. Le plus important est donc de cibler prioritairement les managers. Il faut les accompagner et les convaincre que l’Innovation Participative apporte des choses concrètes. Ils doivent prendre conscience que face à leurs problèmes, les collaborateurs ont la solution, grâce à l’émergence de multiples idées. L’enjeu c’est trouver des éléments qui remobilisent les managers dans l’accompagnement des équipes. 

Expert de l'innovation participative : idées

Comment faire face aux craintes de désengagement ?

Face aux craintes que l’engagement collaborateur soit faible, mon conseil est de mettre en place un premier challenge. Le manager demandera aux personnes du terrain quelles solutions peuvent-ils apporter à un problème d’entreprise qui est prioritaire pour lui. On peut aussi se demander s’il y a eu des idées émises par des collègues et mises en place que l’on pourrait partager aux autres services et qui seraient intéressantes pour eux. Et là tout simplement, des idées vont émerger. 

Dans l’émergence d’idées et solutions, les collaborateurs vont proposer de la co-construction qui va mener à l’engagement. La réussite de l’innovation participative est une démarche de management. Elle doit être validée et portée au plus haut de l’entreprise. C’est la façon de manager qui anime les collaborateurs. 

En tant qu’expert de l’innovation participative, comment voyez-vous l’innovation participative de demain ? 

Les frontières et les contours de l’entreprise vont être de plus en plus flous. Et le sentiment d’appartenance va être plus difficile à maintenir. Il faut favoriser le sentiment d’appartenance collectif pour attirer des nouveaux talents. En effet, ceux-ci ont besoin de se sentir engagés, impliqués. Ils veulent trouver du plaisir, avoir le sentiment d’apprendre et de proposer des choses.

Maintenant, les entreprises font travailler sur un même projet plusieurs parties prenantes qui ont des liens totalement différents avec l’entreprise (clients, collaborateurs…). Elles recueillent un maximum d’expertise grâce à la diversité. Il faut donc trouver des modalités de management et des mécanismes, d’avoir des process plus inclusifs et structurés. Et l’innovation participative est un outil indispensable dans l’élaboration de challenge et de travail avec la mise en place de brainstorming, de hackathons, d’appels à idées… 

Alors oui, les entreprises prennent conscience que l’Innovation Participative est importante mais pas suffisamment.  En tant qu’association, nous devons communiquer davantage sur les impacts économiques et sociaux. La vraie problématique à laquelle nous sommes confrontés, c’est de montrer les différences d’efficacité de l’innovation participative selon les démarches que l’on suit et la façon dont on la gère. 

Et pour la démarche elle-même, nous devons trouver des solutions pour montrer comment convaincre davantage. Comment enraciner plus vite et mieux les démarches de l’innovation participative et rappeler ses multiples intérêts. À nous de convaincre la ligne opérationnelle du bienfait d’une telle démarche.


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