Xavier Marvaldi a guidé de nombreuses entreprises dans leur transition digitale. Il nous explique les conditions à remplir pour que la démarche soit une réussite.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis depuis bientôt 20 ans « immergé » dans le monde du digital. J’ai commencé comme consultant chez Accenture puis McKinsey & Company, dans l’implémentation de projet innovant puis le conseil aux directions générales sur les problématiques business liées à la technologie. Ensuite, j’ai fait 6 années dans la télévision, à Canal+ puis M6. Pour ces chaînes, j’ai respectivement créé et dirigé les filiales digitales (Canal+Active et M6 Web), avec un foisonnement d’innovations, de lancement d’offres, de services, de portails…
J’ai ensuite créé une startup, Yoowalk, qui proposait un monde virtuel accessible en un clic depuis n’importe quel navigateur. Le projet a duré 5 ans, puis je suis retourné dans les grands groupes pour participer à la transition digitale d’entreprises. D’abord chez Euro Media, dont j’ai pris la direction générale pendant deux ans, puis au sein du groupe L’Oréal, pour lequel j’ai été directeur de l’innovation digitale, avec une double responsabilité : l’éveil de l’organisation aux enjeux du digital, et la connexion de L’Oréal à l’écosystème des startups afin de favoriser l’émergence de services innovants. Enfin, depuis quelques mois, je travaille sur d’autres projets plus entrepreneuriaux.
Quels sont les pré-requis pour réussir une transition digitale ?
L’étape « zéro », c’est une prise de conscience de la part du top management. La transformation doit être portée, poussée, par les décideurs, comme toutes les grandes transformations opérationnelles des entreprises.
Ensuite, quand on démarre la transition digitale, il faut respecter une étape d’acculturation. Le digital est un domaine que personne n’a appris à l’école, parce que les dernières évolutions ont moins de deux ans ! C’est un domaine dont le savoir n’est pas équitablement partagé dans les entreprises. Et il est erratique. Ce n’est pas parce que vous êtes junior que vous en savez plus qu’un senior. Et ce n’est pas parce que vous êtes utilisateur que vous êtes plus pertinent, d’un point de vue business, que quelqu’un qui n’est pas utilisateur. Ce n’est pas parce que vous êtes dans une fonction informatique que vous êtes plus apte que quelqu’un dans une fonction financière… Bref, tout dépend de l’histoire personnelle de chacun, du recul que l’on a par rapport à l’époque dans laquelle nous vivons.
La première étape consiste donc à faire passer toute l’organisation à travers les mêmes programmes, les mêmes contenus d’apprentissage, pour que tout le monde arrive au même niveau de connaissance. Tant qu’on ne parle pas le même langage, on ne se comprend pas !
Et ensuite ?
Ensuite, la réussite de la transition digitale passe par l’aspect collaboratif. L’idée, c’est d’apprendre à toutes les compétences, tous les métiers d’une entreprise, à travailler ensemble. L’enjeu ? Remettre le consommateur ou le client au centre de toutes les attentions.
Troisième étape d’une transformation digitale, c’est de parvenir à déclencher de l’innovation. Tout est en train de se réinventer. L’innovation doit partir de l’entreprise et s’ouvrir. Cela passe notamment par les startups, ou par du smart partnering. C’est par exemple ce que nous avions fait chez M6, en lançant avec Orange l’offre M6 Mobile by Orange.
Ces trois grandes étapes (acculturation, collaboration, innovation) sont indispensables quels que soient la taille de l’entreprise, son secteur d’activité, son niveau de connaissance des pratiques digitales ou ses enjeux actuels.
La transition digitale s’incarne aussi dans des outils : comment s’assurer que les collaborateurs les utilisent ?
Les outils doivent être attractifs et intuitifs. Ils ne doivent pas manquer d’ergonomie ou d’agrément d’usage. Leur usage doit être amorcé — par des contenus, par des actions, par des engagements, par des graines que l’on plante dans l’organisation afin de favoriser le collaboratif. Il peut s’agir, par exemple, de lancer un appel à projets avec une récompense attribuée à ceux qui donnent les meilleures idées. Bref, il faut savoir attirer les gens et exciter leur créativité, en faisant appel à des valeurs positives.
Par ailleurs, ces outils doivent être utilisés par le top-management ou la direction. Cela entraîne naturellement l’ensemble de l’entreprise. Si un patron dit, par exemple, qu’il ne présentera plus ses vœux dans la cafétéria, avec uniquement les collaborateurs présents, mais plutôt dans les outils collaboratifs pour que tout le monde puisse y assister, poser des questions ou collaborer, alors il crée une dynamique positive.
Il faut par ailleurs choisir les outils en pensant aux habitudes d’usage des collaborateurs. Plus ces outils en seront proches, plus leur utilisation sera naturelle. Ce qui implique une appropriation plus rapide.
Quelle sera, selon vous, la prochaine grande tendance en matière de transition digitale ?
Je pense que nous devons aller dans les entreprises vers une démarche d’innovation permanente, industrialisée et naturelle. Les entreprises qui réussiront seront celles qui sont capables de s’adapter en permanence aux enjeux qu’elles traversent. À suivre !