Experte en intelligence collective, Nadia Grandclement est la fondatrice de Calliope consulting. Elle
accompagne les entreprises et les personnes dans leurs évolutions et leurs transformations. Coach professionnelle certifiée et Maître praticienne en programmation neuro-linguistique (PNL) depuis plus de 20 ans, elle a été formée par Robert Dilts et certifiée par le DILTS Stategy groupe. Elle est également partenaire de l’université d’Airbus depuis plus de dix ans ainsi que de celle de EY-Lane 4. Elle a aussi participé à plusieurs projets d’envergure concernant l’accompagnement et les transformations d’organisations.
Comment êtes-vous devenue experte en intelligence collective ?
Je dirai que c’est l’ensemble de mon parcours professionnel qui m’a amenée à devenir experte en intelligence collective.
Tout d’abord, j’ai été directrice commerciale et opérationnelle pour des entreprises américaines que vous connaissez tous : Timberland et Patagonia. A l’époque, l’entreprise Patagonia n’était pas aussi connue qu’elle peut l’être aujourd’hui. Son PDG, Yvon Chouinard, souhaitait développer le marché Européen dont j’avais la charge. Mais au-delà des ventes, son but était de créer une communauté d’utilisateurs fédérée par une force de vente passionnée de sportifs à l’état d’esprit conscient et respectueux . Il était persuadé que nous méritions le meilleur en matière de produits techniques. Et que cependant, nous devions être attentifs à nos impacts sur l’environnement. Yvon Chouinard était déjà l’homme de convictions que nous connaissons. Son objectif était d’associer ses collaborateurs dans la réflexion, la création et l’utilisation des produits proposés.
Il organisait régulièrement des réunions de brainstorming avec ses collaborateurs. Chacun apportait des solutions nouvelles. Et ce, afin de proposer des améliorations /des évolutions produits répondant ainsi parfaitement aux attentes des consommateurs. Comme par exemple, les polaires Patagonia fabriquées grâce à des bouteilles recyclées.
« Ensemble on peut beaucoup plus que si je suis seul » disait-il ! Son but était donc de fédérer ses équipes autour de sa vision et ses convictions. Ses actions étaient totalement au service du collectif. Pour moi, l’intelligence collective commence là. Ce n’est pas seulement des techniques et des outils mais bien un état d’esprit et des convictions profondes.
Cette expérience m’a permis de prendre conscience que j’avais le désir d’accompagner des personnes et de les faire grandir. On dit souvent aux individus ce qu’ils devraient être, ce qu’ils pourraient faire ou ce qu’ils leur manque. Mais on parle rarement de qui ils sont, de en quoi ils sont uniques et exceptionnels, du comment ils font ce qu’ils font et de tout ce qu’ils peuvent apporter si on les y invite. Et cela fait une énorme différence.
Mon approche est de faire prendre conscience que l’on possède des talents et d’accompagner les individus à les faire fructifier et à les incarner réellement dans leur métier. Je me suis donc formée à toutes sortes de disciplines : hypnose, programmation neuro-linguistique, analyse systémique, etc… Cette envie m’a été apporté par Robert Dilts, enseignant et chercheur qui applique la programmation neuro-linguistique (PNL) au monde du business. Son programme « Success factor modeling » dédié aux coachs et aux formateurs a été, pour moi, un déclencheur qui m’a donné l’envie de devenir experte en intelligence collective.
Vous avez coécrit “Les groupes Mastermind : accélérateurs de réussite”. En quoi cette méthode est-elle stratégique pour les entreprises ?
Napoleon Hill, qui a popularisé le concept, définit le Mastermind comme : « La coordination des
connaissances et des efforts de deux ou plusieurs personnes qui travaillent dans un but commun dans un esprit d’harmonie. »
Lorsque j’ai découvert ce concept, je m’y suis tout de suite intéressée. Avec 7 autres coachs nous avons décidé de l’expérimenter pendant un an sur nous-mêmes. Fascinés par sa puissance et ses résultats, nous avons pris la décision de co-écrire en intelligence collective. C’est-à-dire que nous ne pouvons plus dire à ce jour qui a écrit quoi c’est une œuvre collective ! Notre livre « Les groupes Mastermind » est le premier ouvrage en Français. Nous l’avons écrit pour nos collègues coachs et formateurs qui souhaiteraient utiliser et mettre en place cette méthode en France. Le livre a été traduit en Anglais et en Espagnol, la deuxième édition en Français est sortie en juillet dernier.
« Les groupes Mastermind » sont de plus en plus utilisés pour favoriser la croissance personnelle et professionnelle. Ils combinent le brainstorming, la formation, le soutien et la responsabilisation entre pairs. Au cours des dernières années, c’est devenu un puissant levier pour accélérer le succès dans la vie personnelle et professionnelle des individus. Il incarne l’application pratique de l’intelligence collective.
Et cette méthode devient stratégique pour les entreprises puisqu’elle apporte de nombreux avantages :
Il est bien connu que chaque entreprise rencontre des difficultés à un moment ou à un autre. Il convient donc de trouver des solutions durables. Cependant, les organisations ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour résoudre les problèmes.
Les groupes Mastermind sont enfin arrivés en entreprise. Ils permettent de mettre en place des groupes de soutien, d’échanges et de partage en interne. A la différence de bien des méthodes, l’objectif est de constituer un groupe qui dure dans le temps basé sur une méthodologie structurée. Plus le groupe comporte des profils différents plus riche sera « la récolte ». En effet, Cette diversité offre une multitude de perspectives différentes. Chaque participant peut proposer une piste de réflexion à un problème en se basant sur sa propre réalité et expérience.
Le groupe Mastermind est au service de ses membres. Il répond à la formule chère à D’Artagnan « tous pour un, un pour tous ». Le processus ne peut être réduit à l’utilisation d’outils et de techniques car la magie ne serait pas au rendez vous ! Ce qui en fait sa puissance c’est la création du «contenant de l’intelligence collective ». C’est le désir de ses membres de donner et de recevoir, de vouloir vraiment aider l’autre et de mettre toute son énergie et ses compétences au service de la demande effectuée. C’est pourquoi le choix des membres est essentiel. Ainsi que la facilitation qui est un vrai métier .. même si chacun peut s’y essayer .
Un groupe Mastermind axé sur un thème précis peut vous amener à réfléchir à des sujets que vous n’auriez pas normalement considérés comme importants. Cette réflexion peut vous aider à revoir vos pratiques et à vous améliorer en continu.
En tant qu’experte de l’intelligence collective, comment accompagnez-vous les entreprises ?
Ma méthodologie est très souvent :
- Auditer
- Structurer
- Fédérer / motiver
- Laisser place à l’émergence d’idées
Entres autres, lorsqu’une entreprise fait appel à mon expertise en intelligence collective, je prends le temps de l’écouter pour réellement comprendre son besoin. Quels sont ses objectifs ? Où souhaite-t-elle aller ? Quelles sont les difficultés qu’elle a pu rencontrer jusqu’à aujourd’hui ?
En fonction de ces éléments, je propose à l’entreprise une forme d’atelier (hackathon, appel à idées…) basée sur les objectifs et les résultats qu’elle souhaite obtenir. Je rédige ensuite une trame qui est utilisée comme base de discussion lors de l’animation de l’atelier.
Cette phase d’audit permet de mettre en lumière des points essentiels et surtout les bonnes questions à se poser : par quoi commence-t-on ? Comment allons-nous procéder ? Comment associe-t-on les équipes ? Car si l’on veut que les collaborateurs portent réellement le projet, il faut les associer et les impliquer. Auquel cas, c’est une démarche qui appartient seulement au comité de direction.
Ma conviction : nous pouvons obtenir le meilleur de nos collaborateurs à condition que nous donnions nous aussi le meilleur. Et cela passe par insuffler un véritable état d’esprit autour de l’intelligence collective. Il est donc important de poser un cadre, des conditions et créer un environnement propice à l’émergence d’idées.
J’illustre souvent le concept comme ceci : l’intelligence collectée c’est « mon idée + ton idée = 2 idées ». Et l’intelligence collective c’est « mon idée + ton idée = une troisième idée à laquelle on ne s’attend pas ». Et cette troisième idée va apporter d’autres idées en cascade. C’est donc créer quelque chose de nouveau à partir de qui l’on est, ce que l’on fait, ce que l’on peut apporter.
L’intelligence collective c’est aussi accepter de rentrer dans un système qui est différent. Les entreprises doivent être prêtes à lâcher prise. Il faut donner du temps au temps et accepter que les résultats peuvent être différents de ceux attendus. Et c’est là toute l’importance d’avoir une véritable ouverture d’esprit.
Quels sont les freins que rencontrent les entreprises dans la mise en place de méthodes d’intelligence collective ?
D’une part, il y a des entreprises qui ne sont pas vraiment prêtes car ce n’est pas dans leur culture. Cela les empêche de sortir de leur zone de confort et de donner la parole aux collaborateurs, en raison de certaines réticences. Je vais donc créer des conditions pour qu’elles comprennent que les collaborateurs sont une réelle valeur ajoutée et qu’ils peuvent apporter des choses nouvelles. Il faut prendre le risque de leur laisser la parole et de se rendre compte qu’ils sont, pour la plupart, totalement alignés avec la vision de l’entreprise.
Et d’autre part, il y a le niveau d’engagement collaborateur. La réussite des ateliers que j’anime passe aussi par la qualité des participants. On ne peut pas faire de l’intelligence collective avec des individus qui ne sont pas dans cette démarche. Ils doivent avoir envie de partager leurs idées, apprendre les uns des autres, découvrir des choses inattendues et adopter un état d’esprit collectif.
Dans ce cas, j’adapte mon discours et mon comportement. Je les amène à réfléchir aux bénéfices que cela peut leur apporter ou de ce qu’ils risquent de perdre. Les ateliers en intelligence collective sont de plus en plus incontournables car à plusieurs on est collectivement plus performants que lorsqu’on est seul.
Ils permettent d’évoluer, d’apprendre de nouvelles techniques, d’être conscients que le fond et la forme sont indissociables. Ainsi, ils découvrent que les comportements, mots et attitudes contribuent aussi à les rendre plus performants. Ils se renouvellent et s’adaptent au monde qui évolue. Et à la fin de mes sessions, je les guide et leur permet d’avoir un aperçu des bénéfices qu’ils ont pu obtenir : Qu’ont-ils retenu de la session ? Qu’ont-ils appris de nouveau ? Comment vont-ils le mettre en application ? Quand ? Qu’est-ce que le collectif leur a apporté ? Cela leur permet d’analyser la qualité de leurs réflexions et d’aborder les problématiques qu’ils rencontrent sous un autre angle.
Il est important de se mettre au service du collectif, inviter les individus à la réflexion pour qu’ils puissent faire des choix en entonnoir. C’est à dire, de partir de la problématique initiale et de réfléchir à tous les éléments auxquels la personne a été confrontée qui ont engendré cette problématique. Mon métier m’amène donc à m’adapter à l’individu et à amener ses réflexions là où il ne pensait pas. C’est tout un travail autour de l’attitude et des mots employés car nos pensées, notre comportement, la manière dont on agit impacte les autres.
Quel est le principal enseignement que vous avez tiré de votre activité ? Quel conseil donneriez-vous aux organisations qui souhaitent se lancer ?
En tant qu’experte de l’intelligence collective, je dirai que, pour moi, c’est un outil extrêmement puissant pour transformer les organisations et faire bouger les lignes. Mais au-delà des outils et techniques, comme je le disais précédemment, c’est d’abord de créer l’état d’esprit pour « convoquer la magie » puis de mettre en action des concepts tels que des hackathons, des appels à idées, des ateliers de brainstorming, etc.
Soyez au rendez-vous, soyez acteurs de votre succès !!
Certaines entreprises l’ont compris, d’autres moins. Il faut évangéliser les collaborateurs, leur faire comprendre que l’intelligence collective leur apporte de réels avantages. Ils savent alors que leur voix compte et cela les rend fiers et les responsabilise.
Mon conseil en tant qu’experte de l’intelligence collective ? Il faut travailler la communication envers les collaborateurs, les informer, les impliquer, les sonder et récolter du feedback.
Il peut, aussi, être utile de créer des communautés d’ambassadeurs pour motiver les collaborateurs et les engager davantage. Mais attention ! Ces communautés d’ambassadeurs ne doivent pas seulement être des personnes définies par la direction mais des personnes volontaires, qui souhaitent porter le projet et libérer la parole.
L’enjeu pour les entreprises est de trouver le juste milieu entre laisser la liberté aux collaborateurs de dire ce qu’ils ont à apporter. Mais aussi poser un cadre, car une entreprise ne peut pas laisser autant de liberté sans guider la démarche d’intelligence collective.