Nous avons reçu Jean-Claude Casalegno, Enseignant chercheur en management et innovation participative au Groupe ESC Clermont Business School et Professeur Consultant en Innovation Managériale pour le programme Phosphoriales. Il nous livre son point de vue, lors d’une interview enrichissante, sur les avantages de la facilitation dans le cadre de l’innovation participative.
Après des études de psychologie clinique, Jean-Claude s’est lancé dans l’entrepreneuriat social avec la création d’une association dans le domaine de la gérontologie éducative. Il a ensuite rejoint une grande Ecole de Commerce à Paris. Il y a passé un Mastère spécialisé en accompagnement des transitions professionnelles et organisationnelles. Jean-Claude est alors devenu consultant permanent pour le CESI puis pour l’EXPANSION. Ce qui lui a permis de créer une seconde société de conseil spécialisé en management.
Ensuite, il a intégré Le Groupe ESC Clermont comme enseignant chercheur ou il enseigne principalement le Management et l’Innovation Participative. Et ce, à travers la création d’un programme de formation à la facilitation, appelé « Phosphoriales ».
Parallèlement il a continué à intervenir dans des entreprises et a mené de nombreuses recherches. Notamment, sur le thème des pathologies du pouvoir, des entreprises libérées et de l’Innovation et de la démocratie participative.
Comment définiriez-vous l’Innovation Participative ?
Il y a plusieurs définitions de l’Innovation Participative. Je vous propose la mienne qui résulte de nombreuses lectures dont celle de Pierre Levy, particulièrement inspirante :
Nous définissons l’Innovation Participative comme un ensemble de méthodes collaboratives. Celles-ci visant à mobiliser les intelligences, les motivations et les imaginaires des communautés humaines. Et ce, dans le but de créer de la valeur pour les personnes, les organisations, les territoires et la planète…
Le mot Innovation renvoie à l’imagination, à la créativité, voire à l’invention. Ainsi, dans une organisation, il y a beaucoup d’idées que chacun a sur son travail, sur l’organisation, la stratégie de l’entreprise, etc…. Ces idées ne sont pas encore reconnues à leur juste valeur. Car nous restons coincés dans une conception très hiérarchique du management.
Elle prive l’entreprise des ressources de l’imagination des collaborateurs. C’est pourtant une fonction aujourd’hui essentielle dans un monde aussi imprévisible où il faut se réinventer en permanence. Il devient plus que jamais important de se mobiliser collectivement afin de construire différemment le futur.
Le deuxième mot tout aussi important est le mot « participatif ». Participer c’est donner un avis. Il faut donc des conditions pour que celui se produise :
- Des relations équitables entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. Cela relève d’un bon équilibre entre le capital et le travail
- Des relations « honorables » entre les collaborateurs et ceux qui occupent la position d’autorité : les managers.
- Un savoir faire managérial nouveau qui facilite l’expression des collaborateurs
C’est là que les avantages de la facilitation deviennent évidents et ont un réel intérêt. Mais quels sont-ils réellement ?
Quels sont les avantages de la facilitation ?
Les techniques de facilitation dans le cadre de l’innovation participative paraissent nouvelles mais elles sont plus une réminiscence qu’une véritable nouveauté. Déjà dans les années 40 le chercheur Kurt Lewin avait mis en évidence une chose. Celle de l’importance du comportement du manager sur les performances et les résultats des équipes. Puis dans les années 60 – 80 sont développées des approches de facilitation visant à favoriser les dynamiques de groupe. Dans les années 80, apparait la démarche appréciative.
Puis, de 1995 et 2015, la Facilitation a été éclipsée pour être remplacée par des approches plus exotiques. Comme le Design Thinking qui ont, ensuite, eux-mêmes été repris par la Facilitation pour devenir moins médiatiques.
Malgré leur diversité, toutes ces méthodes ont de nombreux points communs et apportent des avantages certains :
- Elles reposent sur une conception plus participative de l’autorité. L’intelligence n’est plus le pouvoir d’un seul homme mais de celui du collectif.
- Elles encouragent l’expression de chacun en permettant d’intégrer la diversité des points de vue
- Elles favorisent la collaboration en instaurant une dynamique de co-construction dans les analyses et souvent dans les décisions
- Elles libèrent la créativité et l’imagination des acteurs en utilisant des exercices métaphoriques (Ex: Le jeu du bateau, L’araignée des parties prenantes, l’arbre des idées, etc..)
- Elles encouragent le partage des savoirs et des connaissances dans le respect mutuel
- Elles laissent une plus large place à l’exploration et à l’itération avant de passer à une conception plus partagée de l’exécution
Quels sont les facteurs clés de succès de la facilitation dans le cadre de l’Innovation Participative ?
On peut distinguer ce qu’on pourrait appeler « l’Innovation Participative par le bas » et « l’Innovation Participative par le haut ».
Par le bas, elle est généralement initiée par un manager avec son équipe. Il propose à son équipe d’identifier les irritants du quotidien pour mettre en place des actions de progrès. C’est une démarche généralement très bien perçue par les collaborateurs qui voient là, l’occasion d’exprimer leur point de vue. Elle contribue effectivement à l’innovation incrémentale.
Par le haut, elle est impulsée par la direction et considérée comme un véritable investissement pour le futur. Elle passe par la conception d’un dispositif global qui doit nécessairement s’appuyer sur la politique d’innovation de l’entreprise. Ce dispositif doit permettre de recueillir les idées, de les sélectionner. Mais aussi, de mettre à disposition les ressources pertinentes à la réussite du projet.
Mais pour qu’un tel projet réussisse durablement, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. En voici quelques-uns :
- Faire évoluer la culture de l’entreprise vers des valeurs de collaboration et de participation.
- Clarifier le concept d’Innovation Participative. Il ne signifie pas la même chose selon la place occupée dans l’organisation.
- Faire intervenir des salariés volontaires comme tiers dans des équipes auxquelles ils n’appartenaient pas, tels des ambassadeurs ou des chargés de progrès.
- Recueillir, évaluer et mettre en œuvre les idées générées par les salariés. Les plateformes collaboratives sont très utiles et remplacent avantageusement la traditionnelle boite en carton à idées des premiers temps.
- Récompenser et valoriser les propositions retenues. Cela peut se faire par le biais de récompenses financières, de reconnaissances publiques, de possibilités de développement professionnel, ou même de simples remerciements et félicitations.
- Mesurer par des indicateurs pertinents le nombre d’idées, leur mise en œuvre et leurs impacts économiques font aussi partie de l’exercice et confirment généralement son intérêt.
Il est ainsi essentiel de créer un environnement favorable à la dynamique du don. Cette dynamique est au centre du processus de facilitation.
Comment mettre en lumière les avantages de la facilitation avec la méthode Phosphoriales ?
La méthode Phosphoriales devient peu à peu un système d’apprentissage. Elle a évolué au cours du temps. Nous l’avons présentée au départ (2012) comme une méthode d’innovation, voire d’invention. Elle visait avant tout à réveiller les capacités créatives et entrepreneuriales des participants. Ceux-ci étaient des étudiants du Groupe de l’ESC Clermont en Formation initiale comme en formation continue.
A force d’animer des groupes, nous nous sommes aperçus que la façon dont les compétences étaient transmises pouvait fortement contribuer à favoriser l’apprentissage d’une culture participative. Ainsi, nous devons cette évolution au fait que la pédagogie utilisée repose sur des techniques de facilitation. Et que du coup que ce sont les participants eux-mêmes qui produisent le savoir. Notre rôle d’enseignant se déplace de moins en moins sur les contenus et de plus sur le contenant.
Nous considérons aujourd’hui que la méthode Phosphoriales est devenue aussi un système d’apprentissage. Il peut finalement s’appliquer à n’importe quelle problématique.
La question du travail semble un terrain très propice pour le développement de la facilitation. Les salariés ont de plus en plus besoin aujourd’hui de s’exprimer pour améliorer leurs conditions de travail et leur efficacité, voire leur engagement…
Les managers, s’ils parviennent à changer de posture, auront un rôle à jouer à ce sujet pour mettre en lumière les avantages de la facilitation.