Comment développer l’intelligence collective ? – Cécile Niort Currier est facilitatrice en intelligence collective et fait partie du collectif Sens&Co depuis 5 ans. Ce collectif est une approche en intelligence collective qui accompagne les transformation des organisations. Il intervient sur l’amélioration continue, la participation des collaborateurs et les process des équipes dans le but de les améliorer.

Vous encouragez les entreprises à développer l’intelligence collective.. Qu’ont-elles à y gagner ?

Développer l’intelligence collective c’est gagner en temps et en performance. Nous avons tous déjà participé à des réunions où l’efficacité laissait à désirer. Ces moments sont caractérisés par des discussions inutiles, des difficultés à écouter, des tentatives pour recueillir l’avis de ceux qui restent silencieux, ou au contraire, des efforts pour limiter la parole de ceux qui s’expriment trop en raison de leur statut ou d’autres facteurs. L’intelligence collective offre ainsi l’avantage de favoriser une collaboration efficace, être efficient ensemble. Pour y parvenir, il est essentiel d’investir de l’énergie et de susciter le désir de participer à des moments productifs, utiles, avec des résultats concrets que l’on pourra exploiter ultérieurement.

Au-delà de ces aspects, développer l’intelligence collective conduit à un engagement plus fort au sein de l’équipe. Ce qui peut faciliter le recrutement de talents. Et bien sûr, cette approche est particulièrement précieuse pour résoudre les situations complexes qui caractérisent notre monde et notre mode de gestion actuels.

En tant que facilitatrice, quelles sont vos techniques préférées pour développer l’intelligence collective ?

En premier lieu, il est essentiel de créer les conditions propices à la coopération, une étape souvent négligée mais fondamentale. Concrètement, cela signifie établir un cadre où chacun peut participer et exprimer ses idées en toute liberté. Pour y parvenir, il existe des principes de base en matière d’intelligence collective visant à instaurer un climat structuré. Cela implique une compréhension claire de la mission, une reconnaissance des rôles et de leur importance, ainsi que la capacité à partager des opinions, même lorsque celles-ci diffèrent. Ainsi, nous avons une vision claire de la destination commune, et nous comprenons comment nos perspectives individuelles peuvent influencer.

La deuxième étape consiste à aborder la diversité des points de vue de manière constructive. Cela permet l’émergence de nouvelles idées et ainsi de suite, créant une effervescence qui anime le processus.

Enfin, la dernière phase est celle de la convergence, visant à aboutir à des résultats concrets et utiles. En résumé, il ne s’agit pas tant de techniques que d’une méthodologie qui nécessite une préparation minutieuse en amont.

Maintenant, si nous prenons le côté « technique », il peut tout à fait être pertinent de mettre en place un « World Café » pour faire émerger les idées, tout en suivant la méthodologie précédemment expliquée. Et pour des équipes plus matures, on peut également explorer l’intelligence corporelle, l’utilisation de l’espace, et intégrer des éléments visuels ou sonores pour provoquer des décalages créatifs au sein des équipes. Par exemple, si une équipe est davantage axée sur le visuel, on peut délibérément encourager d’autres formes d’expression individuelle.

Bannière - 24 bonnes pratiques de l'IC

Pour vous, qu’est-ce qu’un environnement propice à l’intelligence collective ?

Il y a deux aspects. Tout d’abord, il y a la posture. Elle implique la manière dont nous nous positionnons et interagissons dans un contexte de travail collaboratif. Si l’on prend l’exemple des managers ou des responsables d’équipe, il faut se poser la question « ai-je déjà la solution à un problème ou ai-je envie d’avoir un regard plus réel ? ». Dans ce cas, il faut accepter que les autres aussi sont porteurs de sens. Là on revient au sens même de l’intelligence collective. C’est prendre le parti de se dire que tout le monde est intelligent et est porteur de savoir. Cependant, mal orchestré, cela engendre une perte de performance. Donc c’est un environnement qui demande beaucoup d’humilité et un lâcher prise avec une posture très énergique pour booster les équipes et leur montrer que l’on peut y arriver ensemble.

Le deuxième aspect concerne le cadre. C’est-à-dire la définition claire de ce sur quoi nous allons concentrer nos efforts, ainsi que ce que nous excluons délibérément. Cela englobe les sujets que nous abordons, les objectifs que nous cherchons à atteindre, et comment ces actions seront bénéfiques.

Pour tout ceci, je dirai qu’il faut oser la confiance. Il est nécessaire d’adopter une perspective réaliste pour mieux appréhender la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés. L’intelligence collective ne doit pas être appliquée de manière systématique. Mais plutôt de manière opportune, lorsque le système ou l’équipe en a réellement besoin. La clé de ce processus réside dans le questionnement préalable : « Comment souhaitez-vous que les idées émergent ? ». Ce travail de posture et de définition du cadre doit être effectué en amont, avant même la mise en œuvre de l’atelier, afin de délimiter clairement ce sur quoi nous allons travailler.

Comment mesurez-vous l’impact de l’intelligence collective sur la prise de décision et la résolution de problèmes au sein d’une organisation ?

Je dirais, dans un premier temps, dans le « non verbal ». Dans le contexte de l’animation d’ateliers d’intelligence collective, plusieurs impacts significatifs se manifestent. Tout d’abord, il y a cette sensation d’énergie palpable, de satisfaction perceptible, alors que les participants s’impliquent activement. Cela se reflète dans les expressions corporelles et les visages qui traduisent un réel plaisir à collaborer. Les individus deviennent de véritables acteurs de la démarche, ressentant un sens et une place bien définis, ce qui constitue un premier impact positif.

Le deuxième impact, plus opérationnel, réside dans la recherche de solutions plus adaptées à la réalité du terrain. En favorisant la diversité des perspectives, l’objectif est de mieux comprendre les problèmes et de proposer des solutions parfaitement adaptées. Ces solutions sur mesure permettent d’accroître la performance et la coordination au sein des équipes, car les participants apprennent à communiquer de manière équitable lors de l’atelier.

Donc d’une part, il y a la performance où l’objectif est d’obtenir des solutions adaptées. Et d’autre part, au niveau de l’engagement, le fait de se sentir utile et impliqué motive les participants à revenir et à participer. Là l’intelligence collective peut avoir un impact durable et positif sur les individus et les équipes au sein d’une organisation.

Bannière - Les bonnes pratiques de l'innovation participative

Si vous deviez donner 1 conseil à des leaders qui veulent développer l’intelligence collective dans leurs équipes, quel serait-il ? 

Dépasser ses peurs. Cette démarche peut s’avérer complexe, notamment pour les managers qui ne disposent pas nécessairement des outils ou de l’expertise pour orchestrer l’intelligence d’un groupe. Cela implique un questionnement profond et une méthodologie bien définie. Il est essentiel d’oser faire confiance à ses équipes en visualisant une équipe engagée et génératrice d’idées. Il s’agit de se projeter dans une équipe idéale et de jouer un rôle de soutien en tant que manager, plutôt que de tout faire à leur place.

Ainsi, pour les managers, la clé réside dans la compréhension de cette approche, suivie de la formation, tant pour eux-mêmes que pour leurs équipes. L’intelligence collective peut être adoptée par tous, mais cela commence par le leadership qui doit franchir le cap de la peur, se former, et ensuite partager cette compétence avec les équipes. Une fois cette étape franchie, l’intelligence collective peut s’épanouir et apporter des avantages significatifs à l’organisation.

Selon vous, quels sont les principaux freins à l’intelligence collective en entreprise aujourd’hui ? 

Je dirai la peur et l’égo. La peur peut provenir de l’appréhension de perdre sa place ou son influence au sein de l’équipe ou de l’organisation. L’ego, quant à lui, peut se manifester sous la forme de biais dans la coopération, comme la recherche de conformité ou des préjugés liés à l’expertise et au statut de chacun.

Pour surmonter ces freins, il est essentiel de créer des conditions propices à la coopération. Cela implique d’expliquer, de valider, et de susciter la confiance pour encourager la participation. Avant de mettre en place des ateliers d’intelligence collective, il est important de se poser des questions cruciales. Par exemple, qui prendra la parole, comment cela va fonctionner, quelles sont les relations existantes,, comment s’alignent le comité de direction, les managers et les opérationnels. Ces aspects doivent être soigneusement travaillés.

Il est donc important d’établir un sens commun et créer les conditions nécessaires à la participation de tous. L’objectif est d’assurer que tout le monde comprenne pourquoi il participe, afin que le sens soit partagé. Il s’agit d’un travail en amont visant à s’assurer que les participants puissent se libérer et pleinement s’engager dans le processus d’intelligence collective.

Avez-vous une astuce efficace à partager avec nous pour insuffler un peu plus d’intelligence collective au sein d’une équipe ou d’une entreprise ?

Il est important de clarifier vos objectifs et attentes, en se concentrant sur trois aspects :

  1. Informatif : Qu’est-ce qui doit être transmis et compris ? Cette étape consiste à fournir des informations claires et à s’assurer que les participants comprennent ces informations, sans nécessairement attendre une participation active.
  2. Participatif : À quel niveau de participation souhaitez-vous encourager les membres de l’équipe ? Pour faire un état des lieux, faire fuser les idées ? Ici, l’accent est mis sur la participation et la contribution des idées. Là, le manager conserve un rôle d’expertise pour prendre des décisions éclairées.
  3. Collaboratif : Souhaitez-vous aller plus loin dans la co-décision et la co-élaboration ? Cela implique un niveau élevé de collaboration, où vous écoutez activement les participants et co-construisez des solutions ensemble.

Ces trois niveaux de participation peuvent être combinés ou utilisés individuellement, en fonction des besoins et objectifs spécifiques. Il est essentiel de communiquer clairement les attentes aux équipes avant la réunion pour qu’elles sachent à quoi s’attendre.

L’astuce pour celui qui anime une séance d’intelligence collective est de se demander pourquoi il réunit les participants, en clarifiant les attentes et les besoins. Ensuite, il peut mettre en place des actions concrètes pour atteindre ces objectifs. Cette approche repose sur un processus de questionnement approfondi pour identifier les besoins spécifiques et trouver des solutions pertinentes qui donnent du sens à chaque sujet abordé.

Bannière - Hackathon : le guide pratique