Par Dominique van Deth, consultant en innovation.

Aujourd’hui, l’innovation est une évidence pour la plupart des dirigeants. Au moins dans les discours. Et quand il s’agit de mobiliser les collaborateurs – innovateurs -, la solution est toute trouvée. On va mettre en place un dispositif d’innovation collaborative.

Seulement, les professionnels de l’innovation le savent bien, lorsqu’il s’agit de demander des budgets ou de dégager du temps des collaborateurs les plus motivés, la réponse est souvent « priorité au business » !

Alors comment faire pour sortir du dilemme ? Voici trois conseils qui vont à l’encontre des idées reçues :

 

1.    Appuyez-vous sur les silos

On entend souvent qu’il faut supprimer les silos. Mais cela fait déjà plus de 50 ans qu’on a mis en place des organisations matricielles sans que cela améliore notablement la situation.

Plus tard, cela sera la mode des chefs de projet que François Dupuy fustige dans ses livres Lost in Management et La Faillite de la pensée managériale . En effet, dans la réalité, on bombarde chef de projet des individus pleins de bonne volonté mais qui n’ont aucun pouvoir sur leur « équipe » et ensuite, les dirigeants leur reprochent la non atteinte d’objectifs pour lesquels ils n’ont pas de maitrise. Et je ne parle même pas des ERP et autres systèmes d’information qui traversent l’ensemble des silos. Avec pas mal de coercition et de manipulation, la DSI peut arriver à ce que ce système soit utilisé. Le résultat, c’est souvent une perte d’autonomie pour les salariés qui dépendent d’approbation d’autres personnes dans d’autres services.

L’idée pour le responsable de l’innovation collaborative, c’est alors plutôt de s’appuyer sur les équipes les plus motivées pour résoudre des problèmes concrets liés justement à l’organisation en silos. Cette adhésion des parties prenantes peut se faire dans une logique d’effectuation , c’est-à-dire de proche en proche.

[LIRE AUSSI : Et si vous profitiez de la rentrée pour innover grâce à l’effectuation]

Et c’est grâce aux entités et aux innovateurs les plus motivés que le responsable innovation pourra dégager de nouvelles marges de manœuvre (budget, compétences, …) sans aller en référer en haut lieu, là où la compétition fait rage et où on obtient des résultats surtout en mettant en avant son poids politique.

 

2.    Laissez faire

C’est vrai que ce conseil peut paraitre provocateur, mais laissez-moi l’expliquer : il s’agit de poser un cadre et ensuite de laisser-faire. Le cadre pourrait être :

  • Tout le monde peut participer
  • Rien d’obligatoire, on laisse l’envie s’exprimer. D’ailleurs, si votre plateforme d’innovation collaborative rassemble 5 à 10% des effectifs, c’est suffisant
  • Le réseau est connecté à la hiérarchie par les participants qui ont de fait une double appartenance.

Ce que le laisser-faire va vous apporter, c’est de mobiliser en priorité les collaborateurs – innovateurs – les plus motivés. Ceux qui vous s’approprier votre outil en l’adaptant à leurs besoins. Ceux qui n’auront pas besoin d’un accord signé par trois niveaux hiérarchiques pour passer à l’action. Finalement, ces innovateurs, sans le savoir, pratiquent ce que Norbert Alter a appelé il y a plus de vingt ans « la déviance positive ».

[LIRE AUSSI : Accueillir la déviance positive en entreprise]

Une plateforme d’innovation collaborative a toutes les chances d’attirer ce type de profils. Mais pour maintenir leur contribution à la plateforme, il vous faudra veiller à :

  • Ne surtout pas les cadrer dans des process ou à les forcer à suivre des KPI
  • Les orienter pour que leur déviance reste acceptable par rapport aux règles les plus importantes de l’entreprise (respect de la loi, protection de la marque, …)
  • Les conseiller pour que leur proposition d’innovation puisse avancer au mieux dans la structure hiérarchique

 

3.    Communiquez le plus tard possible

Les salariés les plus créatifs sont plus attirés par les distinctions symboliques que par les récompenses financières. C’est là que les mécaniques de gamification vont vous aider : untel cherchera à être le salarié qui a proposé le plus d’idées tandis qu’unetelle sera très fière d’arborer le badge du participant le plus actif sur la plateforme. C’est autour de cette dynamique que vous obtiendrez de la viralité, sans nécessairement utiliser les canaux officiels de communication qui sont souvent considérés comme peu crédibles.

Et c’est au travers de la réussite des projets proposés par les innovateurs que vous obtiendrez de la notoriété. Et mettant l’accent sur les porteurs de projets (et les autres contributeurs) et sur les réalisations, l’apport de la plateforme comme un accélérateur de la transformation de l’entreprise s’imposera progressivement à tous comme une évidence.

En bref, mon conseil est de prendre le contre-pied des pratiques usuelles de management pour éviter de se trouver en concurrence avec les business units sur tous les biens limités (budget, mais aussi espace de communication) tout en mobilisant une ressource quasiment inépuisable : la bonne volonté des collaborateurs.

 

Un mot sur l’auteur

Dominique van Deth Dominique van Deth est consultant en innovation. Il accompagne les entreprises dans la mise en place de programme d’intrapreneuriat et de relations startups. Partisan de la stratégie du détour, il fait évoluer les organisations dans le respect de leur culture. Retrouvez ses réflexions en suivant son blog.